Nature deficit disorder est l’expression anglaise désignant les troubles de la santé liés au manque de Nature. Bien qu’il soit difficile à caractériser de manière formelle, le besoin de contacts (physiques, sensoriels…) avec le milieu naturel bénéficie depuis quelques années d’une reconnaissance croissante.
Les origines de ce manque
En 50 ans, la population urbaine mondiale est passée de 2,5 à plus de 6 milliards d’habitants (50% de la population en 2007)1. Avec le développement de modes de vie se déroulant presque intégralement dans des espaces artificialisés, les symptômes du manque de Nature deviennent de plus en plus flagrants. Ils sont de plusieurs ordres :
- bien-être : l’idée est désormais largement admise que la présence du végétal dans les lieux occupés au quotidien (domicile, travail2…) et l’accès régulier à des espaces naturels sont des facteurs de qualité du cadre de vie. Qu’il s’agisse d’une simple préférence esthétique, des loisirs et des sports pratiqués dans les espaces « verts », des qualités de confort associée au végétal (calme, fraîcheur, atmosphère apaisante), d’un besoin émotionnel ou spirituel… les raisons invoquées de cette préférence sont nombreuses.
- santé mentale : la diminution du stress, des risques de dépression, l’amélioration des capacités cognitives, de la motivation, du sens de l’adaptation sont parmi les effets attribués à la présence de Nature dans notre environnement courant. Son impact serait notamment crucial pour le bon développement cérébral des enfants : des leçons menées en plein air, par exemple, auraient un effet très positif sur leur concentration, leur comportement, leur envie d’apprendre et leur réussite scolaire en général3.
- santé physique : les effets psychologiques du manque de Nature semblent avoir des répercussions étonnantes sur l’état de santé physique. Les travaux de R. S. Ulrich, par exemple, suggèrent que les patients d’un hôpital présentent de meilleurs signes de guérison après une opération de chirurgie, lorsque la fenêtre de leur chambre donne sur des arbres plutôt que sur un mur en briques4.
nos alliées les bêtes
Et les animaux dans tout ça ? La zoothérapie, ou thérapie assistée par l’animal, n’a été théorisée que dans deuxième moitié du XXe siècle. Mais en pratique, les témoignages de l’utilisation d’animaux pour accompagner la convalescence de patients remontent à plusieurs siècles. Plusieurs établissements de santé proposent aujourd’hui ces méthodes, pour des pathologies allant des troubles de l’attention chez l’enfant à la maladie d’Alzheimer chez les aînés, en passant par l’anorexie, la dépression, les phobies…5 S’occuper d’un animal ou bénéficier de sa présence stimule, encourage les interactions sociales, redonne confiance ou enseigne la responsabilité vis-à-vis d’autrui.
La zoothérapie repose sur les animaux domestiques, qui ont à l’évidence des interactions plus faciles et directes avec l’Homme. Mais on peut supposer que la présence d’animaux sauvages dans notre environnement et notre capacité à les percevoir contribuent elles aussi à un bien-être global, ne serait-ce que par le plaisir et la curiosité que peuvent engendrer la vue d’un papillon, le chant d’un oiseau, ou la sensation d’un scarabée dans le creux de sa main.
La santé, un service écosystémique
Ces théories manquent encore parfois de preuves statistiques : la santé et l’accès à la Nature sont deux concepts difficiles à évaluer et à comparer entre les individus, de nombreux autres facteurs peuvent interférer. Pour autant, les études scientifiques établissant un lien entre la biodiversité, le bon fonctionnement des écosystèmes urbains et la santé humaine se font de plus en plus nombreuses6. Et si le simple contact visuel suffit déjà pour percevoir un effet bénéfique, il est aisé d’imaginer les progrès encore à portée de main des établissements publics, de nos lieux de vie et des villes en général7.
À noter que la réduction du « natural deficit disorder » n’est pas le seul intérêt des écosystèmes urbains sur la santé. Lutte contre les vagues de chaleur, épuration de l’air, de l’eau, des sols, filtration des micro-particules, élimination des biodéchets… sont autant de bénéfices tirés de la Nature en ville. La pratique de sports et d’activités de plein air et leur rôle face à l’obésité, le diabète, les maladies cardiaques, doivent aussi beaucoup à la présence d’espaces végétalisés. Or ce ne sont là encore que quelques exemples, parmi beaucoup d’autres, de ce qu’on appelle les services écosystémiques.
Certains risques pour la santé ne sont bien sûr pas à négliger (pollens allergènes, maladies transmises par les moustiques…), mais ils peuvent être grandement diminués en favorisant des écosystèmes sains et diversifiés.
L’approche fondée sur la Nature dans notre environnement quotidien a le mérite non seulement de répondre en parallèle à plusieurs enjeux de santé publique, mais aussi de faire le lien avec d’autres politiques publiques locales : enseignement, prévention des déchets, insertion, sécurité, préservation de la biodiversité… ouvrant ainsi la voie à des stratégies d’aménagement plus intégrées.