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Quelques clichés, capturés de-ci de-là, aux détours d'une rue, depuis un promontoire ou au ras des paquerettes.
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Des images qui surprennent, qui questionnent, font germer une idée.
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Une idée qui fait son chemin, mâture, suggère un principe.
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Oh, rien de dogmatique, certainement pas une règle absolue !
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Mais une réflexion à garder dans un coin de la tête, un repère sur l'orientation à suivre...
Laisser aux plantes le temps de grimper
Nombre de projets immobiliers s’évertuent aujourd’hui à présenter des façades vertes, avec un succès et un intérêt écologique parfois discutables, lorsque cela se fait à grand renfort d’arrosage, d’engrais et de changements réguliers des plants. Pourtant, les bâtiments anciens couverts de vert du trottoirs à la gouttière ne sont pas chose rare, et ces plantes là se débrouillent sans notre aide.
Bien sûr, cela suppose de la patience et de laisser le temps faire son œuvre. Une idée difficilement compatible avec les logiques actuelles du secteur, qui exige que toutes les promesses soient remplies à la livraison : il faut que le bâtiment soit vert à l’inauguration, qu’importe s’il ne le reste pas.
Des sauvages au-dessus de nos têtes
Et puis il y a celles qu’on laisse faire, qui poussent parfois sans même qu’on leur ai demandé, sur un lit de graviers épargné suffisamment longtemps par notre désir de « propreté ». Les herbes folles y atterrissent au gré du hasard, ne s’y développent que celles qui supportent les conditions ardues des sommets, se contentant de ce qu’apportent la pluie et le vent.
Et comme souvent, il y a quelques originales :
Ça broute en ville
Pourtant il y a des lieux, comme ici à Cambridge, au Royaume-Uni, où l’irruption d’un troupeau de bovins à deux pas du centre-ville ne semble pas surprendre qui que ce soit, et surtout pas interrompre l’Happy Hour du pub d’en face. À croire que ce serait une simple question d’habitude ?
Le bois mort est plein de vie
Par ricochet, ces écosystèmes déjà très riches contribuent à un pan encore plus large de la biosphère, que ce soit par la décomposition du bois qui nourrit le sol, par la pollinisation, en servant de proie ou, au contraire, de prédateur ou de parasite (régulation des populations de ravageurs, par exemple).
Malgré tous ses bons offices, le bois mort en général a eu tendance à se raréfier dans les espaces naturels, notamment parce que les modes d’exploitation forestière majoritaires ne favorisent pas un vieillissement suffisant des arbres (dont le bois deviendrait inexploitable), ni le maintien des troncs, souches ou branches mortes sur site.
En ville, la situation n’est pas plus réjouissante, le bois mort étant quasi-systématiquement retiré pour des questions d’esthétique, de « propreté » ou de protection des individus face aux chûtes de branches. Il reste donc un grand chantier à mener pour faire du bois mort un objet familier du paysage urbain, sensibiliser les citoyens sur son importance écologique, voire – pourquoi pas ? – l’employer comme mobilier urbain.
Effacer les frontières
Mais de temps à autres, la logique s’inverse. Par le jeu des interstices, les démarcations se floutent. Au gré du piétinement des uns, de la vivacité des autres, de façon organique un équilibre mouvant se crée, s’adaptant continuellement à l’occupation du lieu par les espèces, qu’elles soient enracinées ou qu’elles se dressent sur leurs deux pieds.
Des espaces verts à croquer
Ce choix n’est pas forcément anodin. Parmi les sujets de réticences, se trouve la question de la responsabilité en cas de problème sanitaire, notamment vis-à-vis des pollutions urbaines (qu’elles soient avérées ou soupçonnées). Les difficultés d’entretien, les fruits qui tombent et salissent la chaussée ou la rendent glissante, sont aussi parfois cités comme frein à cette conversion.
Rien d’insurmontable donc, d’autant que les atouts esthétiques, pédagogiques, environnementaux ou sociétaux de tels aménagements n’ont rien à envier au fleurissement plus classique.
Jouer avec le bois
Partager l’espace dans le temps
Est-ce une situation assumée ? Rien n’est moins sûr. Difficile pour un élu de faire accepter à ses administrés qu’un équipement public soit inutilisé pendant plusieurs mois de l’année. Tentante est la solution de remplacer l’herbe et la boue par un revêtement synthétique, disponible en toute occasion.
Pourtant, face aux défis modernes de l’urbanisation (consommation d’espace excessive, risques d’inondation qui s’aggravent, îlots de chaleur urbains…), il serait judicieux de considérer d’un œil plus favorable ce genre de multifonctionnalité subie. Cela ne vaut-il pas la peine de renoncer à certains loisirs (ou de les pratiquer autrement) le temps d’une saison, au vu des bénéfices communs que l’on en retire ?
Construire autour
À l’heure où la préservation des sols et la lutte contre les changements globaux s’affirment comme des priorités, les pratiques habituelles posent question. Un sol tassé par les engins de chantier mettra du temps à se restructurer, même s’il est planté, et les nouveaux arbres ou arbustes n’arriveront à maturité qu’après plusieurs dizaines d’années.
Or il existe des contre-exemples, où le chantier, plutôt que d’imposer ses conditions, s’ajuste à ce qui existe déjà sur le terrain. Cela suppose des adaptations non négligeables, mais les bénéfices environnementaux sont, eux aussi, loin d’être anodins.
Et le promeneur traça son chemin
Nous en faisons sans doute tous l’expérience au moins une fois dans notre vie. Que ce soit pas empressement, distraction ou refus des règles tacites, on préfère parfois passer à côté du chemin, au même titre que l’on ignore le passage clouté « mal positionné ».
Et si l’ordre s’inversait ? Si plutôt que d’attendre du quidam qu’il se plie au trajet préconçu étalé devant ses pas, c’était l’espace lui-même qui s’adaptait à la pratique, à mesure que les usagers s’approprient les lieux ?
Fleurir la demeure des défunts
Aussi, des solutions courantes pour pallier à ce risque consistent à imperméabiliser autant que possible les sols des cimetières et à asperger ce qui reste d’herbicides. Mais toutes les collectivités n’ont pas suivi cette voie…
D’autres, au contraire, choisissent de laisser l’herbe pousser entre les tombes, de profiter des couleurs chatoyantes des fleurs sauvages et de faire des cimetières des lieux où la vie s’exprime pleinement. Quelques opérations d’entretien ciblées (une tonte régulière des cheminement, par exemple) peuvent suffire à démontrer le soin apporté au lieu.
Des péniches hors les flots
Les photos suivantes ont été prise en mars 2014 et juillet 2016. Et en deux ans, ça a poussé :
La réversibilité étant une des conditions de cette occupation, l’ensemble des constructions a été conçu pour être démonté (et potentiellement transporté sur un nouveau site) le moment venu. Afin d’éviter au maximum les réseaux, des alternatives ont dû être trouvées : gestion des eaux grises sur place en phytoépuration, panneaux solaires, pompes à chaleur et isolations renforcée pour les besoins de chauffage. Les cheminements surélevés permettent d’éviter le tassement des sols et la végétation doit contribuer, au fil de 10 ans, à réduire la pollution héritée des précédents usages.
Des bâtiments en manque d’anfractuosités
À l’inverse, les bâtiments modernes aux formes rectilignes et aux parois lisses offrent peu d’opportunités pour l’installation de toute cette verdure. Ne pourrait-on pas revoir nos matériaux et notre architecture pour qu’ils ouvrent, en laissant faire le temps, une possibilité de végétalisation naturelle ? Nous, humains, citadins, serions les premiers à en bénéficier.
Cela vaudrait aussi pour la faune : nous avons troqué les moulures et les replis qui plaisaient tant aux hirondelles, pour des immeubles en verre où les oiseaux viennent s’assommer…
Des pelouses, oui, mais avec parcimonie
Ceci étant, est-il bien nécessaire de tondre à ras partout ? Le concept de gestion différenciée offre une perspective intéressante sur le sujet : en étudiant comment ces usages s’organisent dans l’espace et le temps, il est possible de déterminer des endroits d’un espace vert (ou des moments) qui ne requièrent pas un entretien si intensif. Laisser pousser l’herbe par endroit, en plus de bénéficier à la biodiversité locale, peut servir à protéger les pieds d’arbre et plantations fragiles, à suggérer d’autres appropriations du lieu ou contribuer à l’esthétique du paysage.
Et si pelouse il doit y avoir, autant laisser pousser quelques pâquerettes !